Terme générique s'appliquant à la transformation momentanée d'un être humain en animal. Ce nom viendrait de Lycaon, souverain mythique d'Arcadie, qui aurait servi à Zeus, au cours d'un banquet, les membres d'un enfant qu'il venait d'égorger et avait fait cuisiner.
Pour le punir, le dieu le transforma en loup, le contraignit à hurler au milieu des campagnes, tout en lui conservant ses facultés intellectuelles. Par extension, on désigne, sous le nom de lycanthropie, une maladie mentale (lypémanie) où les sujets se croient transformés en chiens (cynanthropie), en boeufs (bousanthropie), ou en n'importe quel autre animal.
Les innombrables récits légendaires rapportés ou inventés par les auteurs païens de l'Antiquité gréco-romaine: l'Odyssée d'Homère, les Métamorphoses d'Ovide, l'Ane de Lucius de Patras, le Satiricon de Pétrone, l'Ane d'or d'Apulée, pour ne mentionner que les plus connus, et l'exemple de Nabuchodonosor, tous pris au pied de la lettre par les démonologues, renforçaient la croyance en ces transformations.
N'admettaient-ils pas l'existence réelle du Minotaure, né des amours de Pasiphaé et d'un taureau? Ne traitaient-ils pas tout bonnement Circé de sorcière, à l'instar de celles de leur temps? La métamorphose la plus fréquemment remarquée, alors que ces fauves continuaient de répandre la terreur dans les campagnes européennes, était celle de l'homme en loup-garou. Nom dont l'origine demeure d'ailleurs controversée. "Les Allemands les appellent Werwolf, écrit Bodin; les Français loups-garous; les Picards loups-varous comme qui dirait lupos varios... Les Grecs les appelaient lycanthropes et mormolycies; les Latins les appelaient varios et versipelles... François Phoebus, comte de Foix, en son livre de la Chasse dit que ce mot de garous veut dire gardez-vous". Dans le Poitou et en Gironde, les loups-garous sont qualifiés de bêtes bigournes... En Dordogne ils deviennent libérous et dans le Berry loups berous. En Bretagne on les nomme bisclaverets; en Normandie, garwalls: Robert le Diable y est désigné comme un warou.
La multiplicité de ces dénominations prouve combien la peur des loups-garous était ancrée dans les esprits, alors même que théologiens et démonographes cherchaient à savoir de quoi cette maladie mentale, cette insania lupina, dépendant réellement. Féru d'Antiquité et se retranchant derrière saint Augustin, Jean Bodin affirmait la réalité corporelle des transformations et prétendait, par exemple, que, par une permission spéciale de la divinité, Nabuchodonosor s'était vu mué en boeuf, comme la femme de Loth était devenue statue de sel. Saint Jérôme et saint Thomas prenaient le contre-pied de pareille opinion, estimant que le souverain avait perdu la raison, sans que sa substance physique ait été modifiée. Il semble que la première opinion ait bénéficié d'un maximum de suffrages, car on la retrouve exprimée dans le Marteau des sorcières où l'on apprend qu'un homme fut trois ans durant contrait par des maléfices à porter les fardeaux d'une stryge irascible: "Enfin, au bout de ce temps, passant devant une institution religieuse, au moment où l'on célébrait la messe, et n'osant pas entrer de peur d'être roué de coups, il se tint devant... et les élevant au ciel". La sorcière une fois punie, l'homme retrouva sa forme normale, affirment donc Sprenger et Institor, les auteurs de ce manuel, qui, à l'extrême du Moyen Age, reprennent en les christianisant les légendes de Lucius, Apulée et Lucien.
Il convient, par ailleurs, de noter que les démons n'hésitaient jamais à emprunter la forme animale pour rencontrer les humains en rase campagne, venir troubler les religieuses jusque dans leur lit, ou présider les cérémonies du sabbat. "Les démons se forment tout subit en ce qui leur plaît, écrit Ambroise Paré, souvent on les voit se transformer en serpents, crapauds, chats-huants, corbeaux, boucs, ânes, chiens, chats, loups, taureaux; ils se transmuent en hommes et aussi en anges de lumière".
Pour sa part, Satan adoptait fréquemment l'extérieur du loup; de cet animal redoutable, méchant et simulateur, qui symbolise les faux prophètes, les esprits cauteleux. Il attachait, bien entendu, le plus grand prix à se trouver des imitateurs. Pourtant, à l'inverse des dieux du paganisme, ce ne sont point les mortelles qu'il transformait en ourses ou en génisses, mais ses propres séides qui jouissaient d'elles sexuellement, et de surcroît les dévoraient. Car les loups-garous étaient friands de la chair des bergères, sans négliger pour autant, bien au contraire, celle des petits pâtres... Tel leur animal totémique, les loups-garous étaient doués d'une étonnante mobilité et se déplaçaient le plus souvent par bandes. " En marchant ils laissent sur la terre la trace des loups, font les ravages et cruautés des loups, étranglent les chiens, coupent la gorge avec les dents aux jeunes enfants, prennent goût à la chair humaine comme les loups, ont l'adresse et la résolution à la face des hommes d'exécuter de tels actes. Et quand ils courent ensemble, ils sont accoutumés de départir de leurs chasse les uns aux autres..."(Histoires admirables, Paris, 1600, tome I).
La possession diabolique, relativement fréquente, entraînait de son côté l'émission de cris et de hurlements au moment de la transformation de l'homme en animal. Ainsi le Diable créait-il l'autosuggestion nécessaire, entraînant dans la métamorphose ceux qui en éprouvaient la phobie.
La bestialité, dont les résultats ne faisaient pas de doute, constituait par ailleurs un mode idéal de procréation des loups-garous. D'après leurs aveux, les plaisirs que ces derniers prenaient avec les louves étaient aussi intenses, sinon plus, que ceux qu'ils éprouvaient avec les femmes, et certains magiciens, soucieux d'éprouver des jouissances nouvelles, n'hésitaient pas à transformer leurs compagnes en animal domestique. Ce coïte bestial aboutissait, disait-on , à l'apparition de monstres ou d'êtres hybrides reconnaissables à l'exagération de leur pilosisme (hypertrichose) et à leur dégénérescence physique. Enfin, l'onguent, que le Diable remettait à ses nouveaux amis après la signature du pacte et l'imposition de la marque, leur permettait d'opérer très aisément la métamorphose. Ou, tout au moins, de croire, durant leurs rêves, qu'ils s'étaient mués en loups-garous.